Climat en Aquitaine

Plan Climat : Contribution de la SEPANSO

1- Remarques générales

La SEPANSO soutient fortement la mise en place de ce Plan, car elle est convaincue que la lutte contre les dérèglements climatiques d’origine anthropique constitue aussi un impératif régional. Cependant, l’approche mise en oeuvre jusqu’à présent est extrêmement décevante.

1.1- Observations

1.1.1- Méthodologie

La méthodologie utilisée manque de cohérence et de lisibilité. Ainsi, il nous a été demandé de procéder à un examen des mesures de détails, sans prendre le temps de l’analyse de l’existant, et en l’absence de concertation sur le choix des objectifs et des priorités.

La contribution des différents secteurs de l’économie aux émissions régionales de CO2 est globalement connue et a été confirmée lors de la réunion de sensibilisation à l’effet de serre[1] d’octobre 2005 :

– Transports : 53 % (dont routiers 94 %)

– Résidentiel : 22 %

– Industrie : 15 %

– Tertiaire : 7 %

– Agriculture : 3 %

Les objectifs du Plan Climat devraient refléter la part des différents secteurs et s’atteler en priorité à une réduction chiffrée des émissions dans les secteurs les plus critiques vis-à-vis du climat : les déplacements et l’habitat.

1.1.2- Cohérence

La crédibilité de ce Plan passe par la mise en cohérence des choix régionaux d’aménagement du territoire, en particulier dans le domaine des infrastructures de transports. Ceci est loin d’être le cas aujourd’hui. En effet, les nombreux projets autoroutiers envisagés dans toute l’Aquitaine (autoroute A65, élargissement de l’autoroute A63, contournement autoroutier de Bordeaux…) auraient de multiples conséquences négatives à l’opposé des objectifs du Plan Climat (voir tableau ci-dessous). En effet ces projets :

– encourageraient la croissance de la mobilité routière, premier émetteur de GES,

– stériliseraient les territoires naturels, nécessaires à la production de bio-énergie et à la fixation du carbone dans les sols,

– génèreraient d’importantes émissions de CO2 lors de leur construction (6000 tonnes CO2/km), notamment du fait des transports de matériaux (granulats…).

Comment croire à l’efficacité d’une des mesures phares de ce Plan climat – l’optimisation du transport de granulats – alors que les projets autoroutiers provoqueraient une explosion de la demande de granulats ?

Projets autoroutiers en Aquitaine

PROJETLongueur
(km)
Consommation d’espaces naturels
(hectares)
Besoins en granulats
(millions de tonnes)
Emissions de CO2 liées à la construction de l’ouvrage
(tonnes de CO2)
Emissions de CO2 liées à l’augmentation de trafic induit
(tonnes de CO2 par an)
A65 Langon-Pau1501.5004,5965.000101.000
Mise à 2×3 voies de l’A63 dans les Pyrénées-Atlantiques et les Landes2008003,31.000.000500.000
Contournement autoroutier de Bordeaux951.00031.000.000200.000
TOTAL4453.30010,82.965.000801.000

1.1.3- Concertation

Nous déplorons l’absence de véritable concertation lors des réunions de travail auxquelles nous avons assisté, tant dans la méthode que dans la détermination des objectifs et des priorités. Dans ces conditions, nous tenons à souligner que notre participation aux groupes de travail ne signifie nullement l’approbation du plan d’actions envisagées actuellement.

1.1.4- Adaptation

La lutte contre les changements climatiques comprend deux volets principaux : l’atténuation et l’adaptation. L’examen des mesures d’adaptation aux changements climatiques régionaux prévisibles a été occulté lors des premières séances. Il conviendrait d’y remédier, notamment en ce qui concerne l’adaptation de l’agriculture aux baisses prévisibles des ressources en eau et à la hausse des températures.

1.2- Propositions

Même s’il n’existe pas encore aujourd’hui d’outil clef en main pour la mise en œuvre d’un plan climat territorial, il faut noter cependant que d’autres régions de France ont précédé l’Aquitaine dans cet exercice, notamment la région Poitou-Charentes. Il conviendrait de s’inspirer de la méthodologie suggérée par l’ADEME[2] ou de l’approche[3] développée par Monsieur Radanne[4] pour la région Poitou-Charentes.

1.2.1- Stratégie claire

Les objectifs et la stratégie de la région doivent être clarifiés. « Il faut concentrer l’intervention locale sur des actions où son influence est décisive par sa proximité avec les acteurs économiques et les citoyens. Les actions doivent concerner le champ direct de compétence de la Région : le transport collectif, son patrimoine (lycées…), la formation professionnelle, l’aménagement du territoire. La Région a une fonction décisive d’animation, compte tenu de sa situation intermédiaire entre l’État et les acteurs de terrain et de sa mission d’aménagement du territoire. Pour rendre plus perceptible l’enjeu de l’effet de serre, la réalisation d’une analyse des émissions de gaz à effet de serre dans la région est essentielle. »

1.2.2- Exercice de démocratie participative

La concertation doit être renforcée. « L’adoption des décisions constituant des changements radicaux pour la production d’énergie, les modes de consommation ou de transports ne sera possible que s’il y a un progrès gigantesque effectué par le corps social dans la compréhension des enjeux, dans la hiérarchisation des solutions et surtout dans la participation effective à leur mise en œuvre. Dès lors que la résolution d’un problème exige un aussi grand nombre d’attitudes adaptées, le succès des politiques est étroitement conditionné à l’adhésion des populations impliquées. Le déploiement du Plan Climat doit porter sur trois axes :

– Engager un travail de fond d’information et de mobilisation de la société.

– Définir des actions à conduire dans le cadre des compétences propres à chaque collectivité en visant notamment l’exemplarité.

– Etendre l’action par une animation s’adressant à tous les acteurs intervenant sur le territoire, tant publics que privés. »

2- Remarques spécifiques sur les différents secteurs

2.1- Groupe de travail transports et urbanisme

Le secteur des transports constitue le premier secteur des émissions de GES en Aquitaine avec près de 8 millions de tonnes de CO2 émis annuellement, dont 94 % pour les transports routiers. Les émissions se sont accrues d’environ 30 % entre 1990 et 2003 engloutissant tous les progrès réalisés dans les autres secteurs comme l’industrie et la production d’énergie. Les causes de dérive des émissions de gaz carbonique sont connues : croissance des trafics, montée en puissance des véhicules, étalement urbain, augmentation des parts de marché de la route par rapport aux autres modes. Le secteur des transports est donc prioritaire du point de vue de sa contribution croissante à l’effet de serre et du rôle majeur qu’y joue l’action publique locale. Il est regrettable qu’aucune des neuf mesures proposées et retenues par le cabinet ICE ne fasse l’objet d’un chiffrage de réduction des émissions. La poursuite du développement du réseau autoroutier, dont les impacts sur l’effet de serre ne sont plus à démonter, décrédibiliserait ce Plan Climat. Trois mesures nous paraissent faciles à mettre en œuvre :

– la réduction de la vitesse maximale autorisée, une mesure qui permettrait de réduire les émissions spécifiques des véhicules et d’optimiser l’exploitation des infrastructures (mesure envisagée sur les autoroutes de la vallée du Rhône),

– l’obligation du bilan carbone (en cycle de vie) préalablement à tout projet d’infrastructure de transport[5],

– le refus des projets d’infrastructures de transport qui ne concourent pas au minimum à la neutralité carbone.

Enfin, il convient de limiter le développement des plateformes logistiques le long des autoroutes, en raison notamment de ce double impact :

– incitation au développement des transports routiers,

– consommation et imperméabilisation d’immenses territoires naturels[6], au détriment du développement de la biomasse et de la fixation de carbone dans les sols.

2.2- Groupe de travail Communication

Nous sommes particulièrement déçus et frustrés du déroulement des réunions de concertation du groupe de travail Communication. Du fait de l’absence de cohérence d’une réunion à l’autre, les résultats de ce groupe de travail sont insignifiants. Ainsi, la création d’un Observatoire régional de l’énergie et des émissions de GES a été reconnue unanimement comme une priorité à l’issue des deux premières réunions. A la réunion du 24 novembre 2006, on découvre que cet observatoire est tombé dans les oubliettes ainsi que la plupart des autres mesures. Nous réitérons notre demande de création d’un Observatoire régional de l’énergie[7], qui permettra la quantification des émissions régionales de gaz à effet de serre, indispensable à la réussite du Plan Climat. Il permettra de disposer :

– d’un bilan des émissions (qui inclut un bilan énergétique régional préalable) pour une année de référence,

– de scénarios d’évolution,

– de la liste des acteurs majeurs de la Région,

– d’un indicateur d’évolution des émissions,

– d’un suivi global des économies d’énergie (collectivités territoriales, habitants…),

– de préciser les conditions de la réussite du programme d’action.

Pour en garantir l’objectivité, cet Observatoire doit être indépendant du Conseil Régional et de toute autre collectivité territoriale.

2.3- Groupe de travail Agriculture et forêts

S’il est grand temps que l’on songe à l’énergie récupérée à partir de la biomasse comme l’une des alternatives à l’utilisation des combustibles fossiles, on peut être inquiet par le développement « d’une agriculture et une sylviculture efficaces » que prône le plan « Biocombustibles » présenté conjointement par les Ministères de l’Agriculture et de l’Industrie en avril dernier.

2.3.1- Le bois, énergie renouvelable

La filière mérite d’être réorganisée et son utilisation doit être encouragée par les pouvoirs publics. Cependant, cette filière connaît des limites :

– Les transports de la matière brute ou de la chaleur produite pourraient rapidement anéantir les efforts en terme d’énergie récupérée et de réduction des gaz à effet de serre. Il convient donc de n’envisager cette énergie que dans le cadre d’une relocalisation significative de son utilisation sur les lieux de production du bois.

– Le prélèvement de la totalité de la biomasse disponible en forêt (branchages, feuillages, sous étages, bois tarés…) conduirait à un déstockage trop rapide du carbone et serait préjudiciable à la biodiversité que les arbres morts contribuent à entretenir. Il conduirait également au non renouvellement des sols, autre puits de carbone à entretenir, et risquerait d’entraîner des apports d’intrants (engrais, pesticides) coûteux en énergie afin de maintenir des écosystèmes devenus incapables de s’auto entretenir.

– Il serait plus judicieux de reconsidérer l’utilisation du bois en papeterie pour la fabrication de trop nombreuses publicités et emballages qui encombrent boîtes à lettres et poubelles et posent également des problèmes de déchets et de transports. Une partie du bois servant à ce papier pourrait être affectée à la production de chaleur.

2.3.2- La production de biocarburants

– Elle pose les mêmes problèmes de transport et donc d’utilisation que le bois de chauffage et n’est donc valable que dans le cadre d’une utilisation locale.

– Elle risque d’entraîner à son tour une intensification de l’agriculture avec son cortège d’intrants (engrais, pesticides) coûteux en énergie et polluants pour les nappes aquifères et son gaspillage d’eau pour l’irrigation.

– Cette agriculture sera aussi une cible pour les grosses multinationales qui chercheront à imposer les OGM, ce qui ne fera qu’accentuer les effets cités précédemment et appauvrir la biodiversité.

2.3.3- La maîtrise des coûts de production agricole

S’il est en effet souhaitable de valoriser les déchets agricoles à des fins de récupération d’énergie ou d’engrais organiques, une des solutions de maîtrise des coûts de production passe d’abord par le choix de cultures adaptées aux sols et au climat de la région. L’économie d’énergie (chauffage des serres…), d’eau (irrigation) et d’intrants (coûteux et polluants) ainsi réalisée est le plus sûr bénéfice que peut espérer un producteur. C’est donc dans ce sens qu’il serait souhaitable de négocier les aides financières nationales et européennes.

En conclusion : si la biomasse constitue une des alternatives intéressantes au problème climatique, il convient d’étudier très précisément les potentialités régionales et de maintenir un juste équilibre. La valorisation de la biomasse ne peut s’envisager que dans le cadre de filières courtes, c’est à dire à l’opposé des « champs de biomasse » sur des kilomètres carrés de maïs, de tournesol, de peupliers et autres monocultures de pins.

2.4- Groupe de travail Industrie et énergie

2.4.1- Inudstrie

Nous soutenons la promotion de l’éco-conception et de la maîtrise de l’énergie, qui nous paraissent toutes deux indispensables.

2.4.2- Energie

L’exploitation de la géothermie profonde, très localisée, représente une part modeste mais à considérer. Le développement des énergies renouvelables est pour nous une priorité. Il convient de développer l’éolien en étroite concertation avec les populations concernées et les associations environnementalistes, ainsi que l’énergie solaire.

2.4.3- Déchets

Le traitement des déchets passe d’abord par la prévention : réduire à la source, puis trier, recycler et stocker à proximité des lieux de collecte afin de limiter au maximum le transport. Il faut généraliser le stockage réversible sans production de biogaz (les matières fermentescibles étant traitées à part). Enfin, il faut sortir de l’incinération, forte productrice de gaz à effet de serre et de polluants, que nous ne considérons pas comme la meilleure solution pour valoriser les déchets. Il est sans doute utile aussi d’informer les citoyens sur les risques et l’interdiction du brûlage à l’air libre des déchets.

3- Conclusion

Convaincus qu’un Plan Climat Régional est nécessaire et utile à l’Aquitaine, la clarification de ses objectifs et le renforcement de la méthode utilisée nous paraissent indispensables à son efficacité et à l’adhésion de tous. Seuls des objectifs ambitieux le rendront crédible et démontreront qu’il va plus loin qu’un « battement d’ailes de papillon »[8].

Pierre DAVANT,
Président

[1] Journées de sensibilisation à l’effet de serre. Conseil Régional. 18/10/05.

[2] Un Plan Climat à l’échelle de mon territoire. ADEME. http://www.rac-f.org/article.php3?id_article=898

[3] Livre blanc de lutte contre le changement climatique en Poitou-Charentes. Mars 2006. http://www.cr-poitou-charentes.fr/fr/environnement/air-energie-dechets/initiatives-climat/doc/livre-blanc.pdf

[4] Monsieur Radanne, ancien Président de l’ADEME.

[5] Rapport du groupe de travail « Division par quatre des émissions de gaz à effet de serre de la France à l’horizon 2050« . Chistian de Boissieu. Août 2006.

[6] Le développement des implantations logistiques en France et ses enjeux pour les politiques d’aménagements. CGPC. http://www2.equipement.gouv.fr/rapports/themes_rapports/amenagement/logistique/2001-0104-01.pdf

[7] http://www.effet-de-serre.gouv.fr/fr/actions/Cahier1.pdf

[8] Le Plan Climat : un battement d’ailes de papillons ? Vraiment ? La lettre aux Aquitains. Décembre 2006. http://journal.aquitaine.fr/index.php?to=81

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